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L'absence d'obligation de contrôle des documents de voyage

Le 23 avril 2019
Selon un arrêt rendu par la Cour de Justice de l'Union Européenne, les transporteurs par autocar ne sont pas tenus de contrôler les documents de voyage et d'identité des voyageurs étrangers lors de la montée dans les autocars.

« Le code frontières Schengen s’oppose à ce que l’Allemagne oblige les opérateurs de transport par autocar sur des lignes transfrontalières à contrôler le passeport et le titre de séjour des passagers avant l’entrée sur le territoire allemand » (communiqué de presse de la Cour de Justice du 13 décembre 2018)

 

Dans cette affaire il est question de la circulation des étrangers en situation irrégulière au sein de l’Espace Schengen et des contrôles à l’intérieur de l’Union Européenne.

Dans cette affaire concernant des transporteurs qui proposent des voyages par autocar à savoir les sociétés, Touring Tours und Travel GmbH et Sociedad de Transportes SA, la Cour de Justice de l’Union Européenne était appelée à se prononcer sur une question préjudicielle posée par une juridiction allemande (Cour administrative fédérale).

Les deux sociétés proposent des voyages dans l’ensemble de l’espace Schengen et sont amenées à franchir les frontières internes de l’Union Européenne. Ainsi les cars traversent régulièrement les frontières germano-néerlandaise et germano-belge.

Le litige s’explique par le fait que les deux entreprises ont transporté un nombre important de ressortissants d’Etat tiers en situation irrégulière. Considérant que les sociétés violaient le droit allemand, la police fédérale leur a adressées, au mois de novembre 2013 et mars 2014, un « avertissement ».

En effet, la police fédérale considérait que Touring Tours und Travel GmbH et Sociedad de Transportes SA violaient l’article 63§1 et suivants de l’AufenthG (dispositions administratives générales relatives à la loi sur le séjour des étrangers).

En vertu de ces dispositions:

"63.1.1 [L’article 63 de l’AufenthG] interdit aux transporteurs de transporter vers le territoire de la République fédérale d’Allemagne des étrangers dépourvus des documents de voyage requis. L’interdiction concerne à la fois les transports par voie aérienne et maritime et les transports par la voie terrestre, à l’exception du trafic ferroviaire transfrontalier. [...] L’interdiction légale de transporter des étrangers vers le territoire de la République fédérale d’Allemagne lorsque ceux-ci ne sont pas munis du passeport ou du visa requis en raison de leur nationalité entraîne en même temps l’obligation du transporteur de contrôler suffisamment le passeport et le visa. L’obligation de contrôle vise à assurer que l’étranger remplit les conditions requises à l’article 13, paragraphe 1, pour franchir la frontière. [...]

[...] 63.1.3.1 L’obligation de contrôle prévue à l’article 63, paragraphe 1, impose au transporteur de vérifier si l’étranger est muni des documents requis [...]

63.2 Interdiction de transport et astreintes 63.2.0 L’interdiction de transport, ainsi que la menace, la fixation et l’exécution d’astreintes visent à contraindre le transporteur à contrôler dans tous les cas le respect de l’obligation d’être muni d’un passeport et d’un visa."

En vertu de l’article 63§2 de l’AufenthG les deux sociétés devraient vérifier à la fois les billets de voyage ainsi que les titre de transport des voyageurs à la montée du car. L’accès aux personnes non munis de documents de voyage devraient leur être refusé.

Toutefois Touring Tours und Travel GmbH et Sociedad de Transportes SA ont continué à transporter des personnes sans-papiers sans vérifier si elles étaient munis de documents de voyage. Par voie de conséquence, la police fédérale a adopté des sanctions à leur encontre ; une décision d’interdictions de transport ainsi qu’astreinte d’un montant de 1 000 euros pour chaque nouvelle infraction.

Contestant les sanctions, les deux sociétés ont introduit un recours. Elles ont notamment argumenté que l’article 63§2 de l’AufenthG étaient contraire au droit de l’Union Européenne dès lors que le contrôle imposé aux sociétés avaient  « un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières » (entendu les frontières extérieures de l’Union Européenne).

A titre de rappel, l’un des principes fards de l’Union Européenne est la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services AU SEIN de l’Union Européenne. Les contrôles sont réalisés uniquement aux frontières extérieures de l’Union Européenne. Pour le dire autrement, on circule librement à l’intérieur de l’Union Européenne et on contrôle aux portes d’entrées de l’Union Européenne (les aéroports étant des portes extérieures).

La Cour de Justice est allée dans le sens des parties requérantes et a considéré qu’effectivement le droit allemand était contraire au Droit de l’Union Européenne. En imposant un tel contrôle, le droit allemand imposait un contrôle équivalent à des vérifications aux frontières :

L’article 67, paragraphe 2, TFUE ainsi que l’article 21 du règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), tel que modifié par le règlement (UE) no 610/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui oblige toute entreprise de transport par autocar assurant un service régulier transfrontalier à l’intérieur de l’espace Schengen à destination du territoire de cet État membre de contrôler le passeport et le titre de séjour des passagers avant le franchissement d’une frontière intérieure, en vue de prévenir le transport de ressortissants de pays tiers dépourvus de ces documents de voyage vers le territoire national, et qui permet, afin de faire respecter cette obligation de contrôle, que les autorités policières adoptent une décision d’interdiction de tels transports, assortie d’une menace d’astreintes à l’encontre d’entreprises de transport dont il est constaté qu’elles ont acheminé sur ce territoire des ressortissants de pays tiers dépourvus desdits documents de voyage"

Commentaire d'article co-écrit par Sabah Chaoui et Maître Haywood M. WISE

Pour aller plus loin :

Communiqué de Presse de la CJUE: https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2018-12/cp180200fr.pdf

Arrêt de la CJUE : http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=4C4C0BD658ECBFB889843631EABAF65C?text=&docid=208966&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=3112943